Régis GOURAUD – Entre homme de foi et foi en l’Homme

Portraits - Recherche de Sens

Régis GOURAUD — Entre homme de foi et foi en l’Homme

Une voie ecclésiastique toute tracée ? Pas du tout

Un oncle missionnaire puis évêque

J’ai une dizaine d’années quand je réalise que mon oncle prêtre a quitté la France pour consacrer sa vie aux pauvres des bidonvilles du Nordeste brésilien. C’est avec une force immense que je ressens son courage et admire sa mission et, malgré l’innocence de mon jeune âge à l’époque, je garde en moi le choc émotionnel de ce choix radical. À mes yeux de petit garçon, le héros donne sa vie à l’une des régions les plus pauvres du monde. Les paysans locaux sont, à cette époque, dépouillés par des multinationales américaines. Héritiers de leurs terres depuis plusieurs siècles, ils n’ont aucun document légal à présenter aux hordes de juristes. Mon oncle deviendra plus tard « l’avocat des paysans sans terre », puis Évêque. Le soir en m’endormant, je pense à la chance que j’ai en comparaison avec ces gens. Il m’a ouvert au don de soi, mais je peux dire aujourd’hui que je n’ai jamais ressenti le désir de l’imiter ni de quitter mon pays, ma famille ou mes amis.

Dans ma famille chrétienne, catholique et pratiquante, nous ne participons pas spécialement à la vie de notre paroisse. Ce détail est important, il libère mes parents de toute influence sur mon orientation. Nous voyageons au gré des garnisons où œuvrent mon père militaire. Pour autant, j’ai un point d’ancrage en Loire-Atlantique, la maison de vacances familiale. Je grandis bercé de valeurs traditionnelles et familiales avec l’idée logique de faire une école militaire. Je dis bien logique, car personne ne me l’a jamais demandé. C’est juste une évidence. Dans mon entourage, la question n’est pas « qu’as-tu fait comme études ? », mais plutôt « as-tu fait polytechnique ou Saint-Cyr ? ».

Quoi qu’il en soit, j’ai toujours eu une soif de connaissance et de compréhension de l’existence.

Concile Vatican II —L’Église fait sens avec la société

Face à l’évolution sociétale, l’Église a compris qu’elle doit s’aligner, trouver une cohérence avec cette nouvelle jeunesse éprise de liberté. Elle convoque à Rome les évêques du monde entier, au Concile Vatican II (1962-1965). Les messes en latin laissent alors la place aux prières en français. Il fallait adapter l’annonce de l’Évangile aux contextes du moment. Bref, la volonté générale veut s’ouvrir au monde moderne.

Réussir dans la vie ou réussir sa vie ?

Bonheur dans les échanges et questionnement avec le scoutisme

Les années passent, les déménagements s’enchaînent de ville en ville, les écoles défilent. Il est temps pour moi de me centrer un peu. Je trouve, chez les scouts, une parfaite osmose entre un besoin d’aventures, une envie de découvrir la nature et de m’éloigner un peu du cocon familial. Cette vie en communauté, cette école de la vie, me nourrit spirituellement et humainement. Les amitiés, les rencontres en prise avec le monde (micros-trottoirs), les soirées autour du feu, sous les étoiles, entre questionnements, remises en question, quête de sens et d’existence comblent mon besoin de transcendance et d’absolu. Le chemin du Puy-en-Velay à Saint-Jacques-de-Compostelle (1 700 km à pied !) est une expérience très forte. De celles qui marquent une vie. Je garde d’ailleurs de très bons amis de cette époque. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai compris la différence entre « réussir dans la vie » et « réussir sa vie ». Cette phrase me suit et me guide encore aujourd’hui.

Le service militaire, lieu privilégié de rencontres

Je sais désormais que je trouverai ma voie en « me donnant ». Pour autant, je ne parle pas de révélation. Le cheminement spirituel a vraiment pris son temps. C’est peut-être pour cette raison qu’il est encore si fort à l’heure où je vous parle. Je fais donc mon service militaire, comme parachutiste et là, vous allez rire, je suis surpris de rencontrer des « trouffions ». Toute ma vie, le mot militaire a rimé avec galons. Jamais ou presque (petit salut au chauffeur de papa), je n’ai rencontré quiconque en deçà du grade de lieutenant. Une fois de plus, je me délecte de cette expérience humaine, en commandant des hommes de troupe. Je côtoie notamment l’aumônier militaire. Ma vocation commence à se dessiner, par intermittence, comme l’éclat lumineux d’un phare dans la nuit noire, éclairant au loin, sans trop se montrer.

Un long chemin entre paroisses, aumônerie des étudiants et conseil épiscopal

Ma mission de vie, c’est les autres

Après plusieurs retraites en abbaye dont l’une aura été des plus marquantes (un mois et demi de silence dans une abbaye bénédictine), je ressens un besoin d’échanges et de rencontres avec le monde, autre que des moines ! Si je comprends que pour m’épanouir, je dois me donner, je sais désormais que je dois me donner aux autres dans l’action, dans l’apostolat. À l’aube de ma vocation, ma mission endosse forcément une approche humaine et spirituelle, pas seulement religieuse. Je sais aujourd’hui que cette épithète était en fait la colonne vertébrale de ma raison d’être, celle qui me guide encore chaque jour.

Et non, je ne blasphème pas en choisissant ce titre et en faisant ce clin d’œil à Sartre. Si pour lui « l’enfer, c’est les autres », je préfère dire « ma vocation, c’est l’amour », comme Sainte Thérèse de Lisieux. Parce que pour moi, l’enfer est froid.

Après divers accompagnements et isolements, me voici donc devant la porte d’entrée du séminaire, mon sac à la main et ma foi dans le cœur. J’ai 19 ans. Les deux premières années de discernement ne font que confirmer que j’ai trouvé ma place.

Dans mon esprit, je suis passé de « pourquoi prêtre » à « pourquoi pas » pour enfin conclure avec succès par : « et pourquoi pas moi ? ».

Je vais connaître tous les versants d’un homme d’Église, les études, la vie communautaire, la vie pastorale et le cheminement spirituel. Ces années d’études et de discernement sont bien remplies entre l’exégèse biblique, la philosophie, la théologie, le grec et quelques stages en France ou à l’étranger.

À 28 ans, je suis ordonné prêtre à la cathédrale de Nantes. 3 h 30 de cérémonie, 2 500 personnes publiques et 200 prêtres font mon bonheur et celui de mes proches. Mes parents y assistent avec la satisfaction de me voir épanoui.

En quête de responsabilités

Prêtre diocésain

Ordonné prêtre, je suis envoyé à Ancenis comme vicaire en paroisse. J’anime la pastorale, des jeunes collégiens et lycéens en aumônerie, tout particulièrement. Je baptise, bénis les mariages et accompagne les familles en deuil. J’accompagne ainsi les paroissiens dans toutes leurs étapes de vie sacramentelle. J’annonce la « Bonne Nouvelle » : l’Évangile en grec, par la prédication (Homélie) et préside l’assemblée eucharistique dominicale de village en village. Je m’exerce à la difficile et délicate mission d’évangélisation. Je découvre le secret du cœur des gens dans le sacrement du pardon et de la réconciliation (confession), et le sacrement des malades.

Aumônier des étudiants

Suivent huit années en tant qu’aumônier des étudiants où le mixage des cultures et les questionnements sur la foi ou le catéchuménat (préparation au baptême pour adulte) embellissent mes journées. Je suis formateur et ce véritable lieu de vie et de cheminement vers la foi brasse toutes sortes de discussions animées. Je m’emploie chaque jour à ne jamais opposer la foi à la raison, à les distinguer sans les confondre, à grand renfort d’apologétique. Redoutable exercice ! Sans cette rigueur intellectuelle, la frontière est mince, entre rationalisme et fidéisme, pour le coup dangereux. J’aime à prendre la comparaison de l’oiseau qui garde son équilibre grâce à ses deux ailes, la foi et la raison. J’en appelle au fondamental libre arbitre de chacun : véritable « sanctuaire de l’âme ».

« Il faut croire pour comprendre et comprendre pour croire. »

À cette époque, j’évolue hors cadre paroissial et suis rattaché au réseau national de ce que l’on appelle « la Mission étudiante » et du réseau « Chrétiens en grande école » (CGE). Je côtoie et travaille alors avec des Jésuites et des Dominicains et découvre de nouvelles approches intellectuelles stimulantes ! Ces années sont pour moi un véritable observatoire des préoccupations, des élans joyeux et spontanés, réfléchis ou pas, d’une jeunesse en quête d’assouvir ses aspirations (professionnelles, affectives…) au seuil de son existence. Je suis là pour l’accompagner comme prêtre, en partageant avec et pour eux ce qui m’habite toujours : « réussir dans la vie, ou réussir sa vie ».

Curé doyen du Pays de Retz

Le Pays de Retz : beaucoup de jeunes couples s’y installent. Par conséquent, de nombreux mariages et baptêmes incombent au prêtre que je suis.

Je deviens curé de Saint-Philbert-de-Grand Lieu puis doyen du Pays de Retz pendant 5 ans. Étymologiquement, curé signifie « en charge d’âmes ». Pour autant, c’est un rôle de chef d’entreprise que j’endosse. Paroissiens, salariés, bénévoles, plusieurs milliers de personnes représentent alors un réel stimulant managérial lorsque je réintègre la vie paroissiale.

Membre du Conseil Épiscopal

Puis, me voilà un des trois adjoints de l’Évêque et je jongle entre l’animation, les ressources humaines, la finance, la formation des prêtres, des laïcs, et même la gestion immobilière. Je prends connaissance de certains dossiers confidentiels et commence à découvrir des faces plus sombres de certaines personnalités qui m’entourent. Je découvre les difficultés que certains doivent affronter et dont ils ne parlent jamais. « Là où il y a de l’Homme, il y a de l’hommerie ! » L’Église n’y échappe pas.

Je me confronte à des sujets éthiques. Trouver des logements aux migrants, par exemple, met en exergue les pourparlers qu’il faut mener avec les collectivités territoriales. Tout cela m’interpelle et me questionne. Ces 6 années de gouvernance auprès de l’évêque sont pour moi riches et denses de responsabilités pour le presbyterium nantais (ensemble des prêtres d’un diocèse). J’accompagne 300 prêtres de l’ordination jusqu’à la mort, près de 400 salariés et des milliers de bénévoles de toute la Loire-Atlantique.

Régis GOURAUD — La recherche de sens face aux changements de paradigmes

Je prends conscience de la lourdeur de l’institution ecclésiale portée par des traditions multiséculaires. Et si je sais que les petites décisions amènent au changement, je souffre de la lenteur des pratiques collégiales du consensus de l’Église. Je la comprends, on ne change pas de tels rites, cultures, pratiques d’un claquement de doigts. Cette pratique collégiale fait sa force et sa faiblesse depuis 2 000 ans. Et à l’échelle d’une vie humaine, les changements ne peuvent être qu’infimes.

Tout cela va lentement mettre un terme à mon idéalisation.

Certains sujets me dérangent comme le fait d’imposer le célibat aux prêtres ou les divorcés remariés interdits de communion. Le célibat des prêtres relève d’une loi ecclésiastique qui n’est pas dogmatique en soi, c’est une règle disciplinaire datant du XIIsiècle. N’oublions pas que certains apôtres étaient mariés ! Il serait temps, je pense, et bien des théologiens le pensent aussi, de revoir cette question, certes complexe et non pas sans conséquence, mais assurément d’un autre temps. Difficile à faire entendre à des cardinaux dont la moyenne d’âge est de 78 ans. Et plus mystérieux encore, à comprendre quand il est « bien vécu » par des prêtres d’une trentaine d’années.

En parallèle, j’accompagne, en tant que prêtre, le mouvement des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (les EDC). Je participe à la réalisation de leurs assises nationales à Nantes. J’observe ces vies de chefs d’entreprise, leur solitude face aux lourdes décisions qu’ils doivent prendre.

Alors que j’ai le sentiment de tenir des responsabilités plus larges que certains d’entre eux, la comparaison est hasardeuse, mais réelle, je me dis : « là, ça pulse ! Nous, on ne bouge pas. »

Point de rupture pour l’homme de foi : la conférence de Marc Halévy

Marc Halévy
Marc Halévy – Conférencier et écrivain

 

Cette conférence fut un déclic. Marc Halévy, physicien et philosophe, évoque des changements de paradigmes réguliers, des grandes étapes historiques qui reviennent tous les 5 ou 600 ans : l’Antiquité, le Moyen-âge, la Renaissance, les réformes, la révolution industrielle, internet.

Écologie, mondialisation, flux migratoires, nanotechnologie, ouverture à l’espace, il aborde toutes ces nouvelles problématiques dans cette conférence.

« Et là, soudainement, je me trouve au bord d’un vide abyssal. »

Est-ce que tout cela accélère le temps ? Là encore, mes pensées se bousculent.

Quoi qu’il en soit, nous allons devoir prendre notre part de responsabilités.

Je me suis alors demandé comment l’Église allait s’inscrire dans ce changement de paradigme, se cranter à ces changements sociétaux et rester pertinente dans l’annonce de l’évangile.

Le concile Vatican II était nécessaire, soit ! Mais sera-t-il suffisamment pertinent dans un monde qui change aussi vite ? Comment son message sera-t-il efficient, performatif, entre ses intentions, ce qu’il annonce et les actes qu’il pose ?

J’ai confiance en l’Église, elle a toujours su gérer ses crises et en sortir par le haut. Je suis convaincu que dans 2 000 ans, elle sera toujours là. En sera-t-il de même pour les GAFA ? Ah !? J’en doute fort !

« L’Église est experte en humanité », disait le pape Paul VI.

Elle hérite d’une expérience humaine et managériale éprouvée de plusieurs siècles.

Face à ce constat, je ne parviens pas à me positionner. Je vous l’ai dit, les questions de gouvernance me taraudent (la place des femmes notamment), mais aussi la pédophilie. Il faut tout de même reconnaître que l’Église sort de son discernement souverain, autoréférentiel pour s’ouvrir, depuis peu, à d’autres autorités ou instances indépendantes. Mais tout cela est lent. Et, je me dis que, vu mon âge, je ne verrai pas de réformes ecclésiales profondes, pour le moins radicales.

Les valeurs évoluent et la quête de sens m’interroge. J’ai besoin de me réaligner. Mais tout en nuance. On ne change pas de vie, et je serai toujours prêtre au fond de moi, autrement. J’entame tout de même un bilan de compétences.

Bilan de compétences et accompagnement ultra-personnalisé

L’ancien DRH Europe du groupe Hachette m’a coaché, lui-même riche d’une belle reconversion et quête de sens.

J’ai posé un cadre : un prêtre m’a accompagné spirituellement, un suivi psychologique m’a aussi permis de vérifier que j’étais bien dans ma tête et dans mon cœur. Ce fut, du reste, une belle rencontre. J’avais volontairement choisi une psychologue non catholique. Je voulais éviter les confusions de genres ou influences.

Je tenais vraiment à ce que tout ce chaos se déroule de manière bordée et raisonnée, m’assurant que je ne traversais pas tout simplement une crise de la cinquantaine, un rejet de mon passé. Il en fut ainsi.

J’avance donc sereinement dans ma réflexion. Il s’agit bel et bien d’un chemin et non d’un clivage. Je garde avec moi les années d’expérience, la richesse des échanges et des relations humaines.

En toute logique, le monde des ressources humaines va nourrir ma suite professionnelle.

Je passe un Master II RH.

Régis retrouve sa voie, guidé par sa foi en l’humanité

Transition ? Plutôt deux fois qu’une !

J’intègre le cabinet de management de transition Cahra. Tout s’est fait très vite. Une discussion, une rencontre, quelques échanges et bim, l’alliance se crée. Nous convenons donc que quelques mois de stage « baptiseront » ma nouvelle carrière.

J’ai tout de suite aimé l’approche d’écoute et d’empathie que prône ce cabinet. Je suis de formation philosophique et théologique, le questionnement est une seconde nature chez moi. Écoute, compréhension, oser dire et discernement sont mes leitmotivs et je les retrouve dans cette entreprise. J’étais attiré par l’authenticité et la bienveillance qui guident son quotidien.

En quelques mots, voici ce qu’est le management de Transition. Cahra est un cabinet qui place temporairement des professionnels dans des entreprises pour les accompagner dans leur transformation. Il ne s’agit là ni d’intérim ni de contrats à courte durée. Le manager apporte son expérience et surtout son regard. Il prend une attitude de métaposture et opère ce pas de côté qui permet de voir les choses différemment et de travailler les vrais enjeux d’une entreprise.

Mon rôle ?

Je rencontre les dirigeants susceptibles d’avoir besoin de nos services et je cherche avec eux leurs véritables enjeux. Je dois donc pousser le questionnement de manière suffisamment pointue et fine pour les orienter sur des terrains qu’ils n’avaient pas prévu d’explorer ni d’exploiter.

Le questionnement — Ma plus-value

Finalement, je m’inscris dans cette réflexion constante qui caractérise Cahra. Quand j’échange avec un client ou prospect, je pense à la qualification la plus saine et compréhensible pour entendre son besoin, ses enjeux. La relation se fait d’égal à égal. J’avance avec mon interlocuteur par le questionnement et cherche l’adéquation entre son besoin et nos ressources.

On décortique sa problématique, on évalue ses difficultés et sa nécessité de changement.

Après seulement, on s’accorde sur le vrai besoin de la mission de transition ou pas.

Tout passe par le dialogue et je pense sincèrement que ma perception et ma sensibilité sont de vraies plus-values. Nous avons tous nos richesses, voici la mienne. C’est gentiment, respectueusement et d’un ton léger que je m’autorise à dire que le temps passé dans le confessionnal est une très bonne école pour déceler rapidement le vrai du faux ou du plus nuancé.

J’entends aussi les non-dits. Je conduis alors mes questions dans cette direction.

J’étais aussi très curieux, avouons-le, de découvrir la réalité du monde de l’entreprise, de l’industrie, etc.

Moi-même en transition, c’était un joli clin d’œil que de me positionner dans un cabinet de managers de Transition, cela résonnait véritablement en moi. Je voyais un vrai sens à une nouvelle mission.

J’allais, d’une certaine manière, continuer à accompagner mes pairs.

Homme d’Église et management — Les points communs selon Régis

Le vrai rôle du manager

C’est le positionnement du manager moderne qui répond à cette question. Aujourd’hui, un manager doit faire preuve d’intelligence émotionnelle et relationnelle. Pourquoi ? Car c’est en engageant et motivant ses équipes qu’il en obtiendra l’adhésion et la cohésion. Et nous parlons là de motivations intrinsèques. Le collaborateur doit trouver sa raison d’être, sa place dans l’entreprise, le sens de sa mission dans l’équipe. Alors seulement, il sera motivé, engagé et heureux au travail.

Et comment peut-il y parvenir ?

Par le leadership conscient, le partage de ses expériences, de ses ressources, de ses émotions aussi. Il doit adopter une posture d’écoute et de transmission. Le manager n’est plus maître, il est témoin. Exit la hiérarchie descendante et le rapport de forces. Nous entrons dans une ère où le manager accompagne ses équipes avec empathie et envie de les faire progresser, avec et pour eux.

Et voilà, je viens de vous décrire la mission… d’un manager oui, mais aussi d’un homme d’Église. Accompagner, partager, aider son prochain à appréhender sa mission sur Terre, le faire regarder une situation selon un autre sens de lecture, le nourrir de réflexions profondes… N’aurais-je donc jamais quitté le confessionnal ?

Maîtriser le mouvement

Une conférence de Marc Halévy m’a fait comprendre à quel point les nouvelles technologies et la digitalisation accélèrent tout : l’information, la communication et même l’action. Il faut faire et vite ! Voilà ce que le monde nous dit.

« Sommes-nous pressés ou prompts à ralentir ? Sommes-nous agités, plutôt qu’habités ? »

Il est donc nécessaire de pouvoir prendre du recul, réfléchir et imposer au temps de se soumettre à notre rythme, et non l’inverse. Le livre de la Genèse dans la Bible nous apprend que le travail est avant tout pour l’homme et non l’homme pour le travail. Le besoin d’intériorité croît en conséquence. Plus le monde tourne vite et plus l’homme doit se poser pour rester debout.

À ce titre, le manager comme l’homme d’Église permet à ses collaborateurs de prendre de la distance pour reprendre le contrôle sur ses agissements. Dans une autre interview, je parlais « d’équilibre entre recentrage et mouvement ». Nous retrouvons là les théories bien connues des philosophes grecs, entre rupture et continuité, entre mouvement et repos. L’Homme demeure toujours l’Homme, même en mouvement.

Voilà, il y aurait encore beaucoup à dire. Avec cette reconversion, j’ai tourné une page de ma vie, mais le livre de l’Église n’est pas fermé. Elle m’a fait être ce que je suis. Si je n’exerce plus mon ministère, mes années comme prêtre restent bien ancrées en moi, ma foi reste intacte et vive, j’en suis heureux. Renier ma vie ecclésiastique serait le reflet d’une fragilité structurelle. Elle fait partie de moi et c’est très bien ainsi. Finalement, je ne change pas de voie, mais seulement de manière de vivre ma foi, d’aider mon prochain dans ses questionnements. Mon rôle, où qu’il soit, sera toujours d’accompagner autrui pour le guider vers le meilleur de lui-même. Un vrai chemin d’épanouissement qui conduit à réussir sa vie, et je l’espère à faire réussir celle des autres.

 

Régis Gouraud, homme de foi, reste fidèle à sa vocation originelle : accompagner et assister, prendre soin. Retrouvez d’autres portraits d’hommes et de femmes qui se sont lancés dans une recherche de sens.

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