Hélène Pagnon – À la recherche du sens perdu

Portraits - Recherche de Sens

Hélène Pagnon – À la recherche du sens perdu

Depuis toute petite, Hélène rêve de voyages. C’est finalement dans une quête perpétuelle d’épanouissement et d’alignement que sa vie professionnelle l’entraîne. De passions en désillusions, elle retrouve son équilibre avec l’art, le sport, l’écriture et le don de soi. De la Brière au Sénégal, elle dessine son Ikigai en parsemant ses valeurs à la frontière entre l’artisanat et l’humanitaire, la connexion à l’essentiel et sa participation à la communauté. Quand amour du travail, motivation et joie de vivre trouvent leur cohérence dans le cœur d’Hélène Jacquot-Pagnon, recherche de sens et processus créatif aboutissent à des projets sans fin. Mais commençons par le début.

Hélène Jacquot-Pagnon
Hélène Jacquot-Pagnon dans son atelier

Une vie professionnelle en forme de voyage pour Hélène Pagnon

Job de rêve

J’ai toujours été attirée par les voyages. Adolescente, je pensais que devenir hôtesse de l’air répondrait à mon envie d’évasion perpétuelle. C’était sans compter avec Dame Nature qui avait oublié de m’ajouter quelques centimètres lorsqu’elle s’est penchée sur mon berceau. J’ai donc modifié mon carnet de route, et mon bac littéraire en poche, je suis entrée à l’école des carrières supérieures de Vichy. J’ai intégré un BTS Tourisme option conception et commercialisation, le diplôme officiel pour devenir forfaitiste. Le but est de rechercher des spots pittoresques, de bons hôtels, négocier les tarifs, bref organiser le voyage, mettre sur pied l’aventure que les heureux vacanciers auront le bonheur d’expérimenter.

Perte de sens

Ma carrière débute, me voilà billettiste en agence de voyages. Tickets de train, d’avion remplissent non pas mes valises, mais mes journées. Je me rends très vite compte que les postes de voyagiste au sens strict du terme sont rares. Cette expérience ne fut finalement rien d’autre qu’un voyage au pays de la désillusion et de la déception. Mes rêves de jeunesse s’envolaient plus haut que les charters que je voyais décoller sans jamais y embarquer. Alors, bim ! Changement de cap ! En route vers le renouveau.

Recherche de sens – Première reconversion en 1997

Imagerie médicale

À l’aise en français, je me suis orientée vers le secrétariat et la comptabilité. J’ai été embauchée dans le milieu médical par un centre d’imagerie lourde à Béziers. Viennent la naissance de mon premier enfant, puis l’envie d’autre chose. Ayant une amie à Saint-Nazaire, mon mari et moi décidons de nous y installer. C’est reparti pour un tour.

2005 – Révélation avec la Brière et le Morta

En 2006, nous découvrons cette belle région : la Brière. Et là ! Le choc ! Une vraie rencontre. Coup de cœur pour le parc régional et pour le bois local, le morta. Tandis que mon mari y trouve sa voie et trace son chemin d’artisan coutelier, moi j’observe le morta, encore un peu de loin, tranquillement, en dilettante.

En 2010, je prends la responsabilité du pôle secrétariat d’imagerie lourde. Je deviens donc la supérieure hiérarchique de mes propres collègues, très mauvaise stratégie, permettez-moi de vous le dire ! Pourquoi ? Elles ne m’accordaient aucune crédibilité. Les conversations s’arrêtaient à mon arrivée, ce genre de choses…

La vie avance de son petit pas tranquille. Les semaines au cabinet d’imagerie se cumulent aux week-ends pendant lesquels je fais peu à peu plus ample connaissance avec le Morta.

Amoureuse des bijoux, je jongle entre création artisanale et découverte de cette matière millénaire.

Il faut savoir que le Morta ne se trouve qu’ici, en Brière. Pourquoi ? Car, il s’agit en fait d’un bois en cours de fossilisation. Il y a 5 000 ans de cela, une forêt de chênes recouvrait les marais. Par des bouleversements géologiques, ces arbres se sont enfouis dans la terre. Maternelle, elle les a nourris et protégés pendant des siècles. La tourbe leur a servi de sarcophage naturel et ils se sont lentement minéralisés pour devenir aujourd’hui du Morta.

2015 – Burn-out et rupture : la perte de sens

Un métier qui perd tout son sens

Mais, plus le temps passe, plus les patients se transforment en numéros et les feuilles de soin en gain financier. En tant que responsable de ce pôle de secrétariat, ma charge de travail s’alourdit chaque jour. Et cette réalité me rattrape. À 3 h 12 précisément, chaque nuit, je me réveille en sueur. Je me lève pour relire mes mails. Au bureau, les réflexions s’accumulent. Chacune prouvant davantage le manque de reconnaissance. « 18 h 30, tu pars déjà ? ».

Le 17 juin, trois petits mots suffiront à avoir raison de moi « elle, là-bas ». J’étais devenue « elle, là-bas ». Électrochoc, les trois syllabes infernales m’ont frappé en plein visage. « Ah non Hélène, vous n’allez pas nous faire ça », rajoute un collègue, percevant que je suis au bord du gouffre.

Le 18 juin 2015, le jour où tout bascule

C’est donc le lendemain, le 18 juin 2015 que mon corps dit stop. Ce jour-là, mes valeurs vissent le dernier boulon de leurs barricades et barrent la route à ma mission quotidienne.

Je me revois très bien arriver dans mon bureau. Debout, tétanisée, pétrifiée, j’étais incapable de faire le moindre mouvement. Mon ordinateur se trouvait là, devant moi, le fauteuil me tendait les bras, ma tasse fétiche posée dessus comme à l’accoutumée, le regard doux de Sarah Kay me fixait, surprise que je ne la prenne pas dans mes mains. Tous me regardaient, attendaient que je prenne place pour ma journée de travail, mais non ! Impossible. Une force intérieure me tiraillait et m’interdisait d’aller plus loin. L’oxygène me manquait, l’angoisse m’étouffait et m’empêchait de réfléchir. J’étais comme dans un état de conscience modifiée. J’ai fait la seule chose que mon corps m’a autorisée : partir !

Jamais, je ne suis revenue.

Mon unique souvenir, c’est mon arrivée à la maison. Je me tenais là, face à mon mari, ma tasse à la main. Je ne me revoyais pas prendre cet objet, ni faire le trajet en voiture, rien, nada, le noir, black-out ! La suite, on la connaît : un chemin balisé d’arrêts de travail qui mène à la rupture définitive avec l’employeur.

Victime d’urticaire géante, deux fois je visite les urgences hospitalières et nombreuses sont les nuits où mon visage bouillonne. Seule une douche glacée limite les effets.

La descente aux enfers

Les six mois qui suivent ne sont que mélancolie, tristesse et sombres pensées. Dénigrement total de ma personne. Je me sens embrigadée dans ce métier de secrétaire médicale. Que faire d’autre ?

Tout mon entourage était entaché par ce marasme, je m’en suis rendu compte plus tard. Ma famille a beaucoup souffert de mon état, de cette dépression permanente. Sur le moment, on ne voit rien d’autre que le brouillard dans lequel on s’enfonce un peu plus chaque jour. Mais maintenant, je réalise à quel point ce fut une épreuve pour nous quatre. Il m’a fallu longtemps avant d’être en capacité d’évoquer cette période. Et ce n’est que très récemment que je parviens à en parler sans pleurer.

Écriture cathartique ou thérapeutique ?

Sur les conseils de mon médecin, je prends la plume, noircis les pages, transforme les larmes en mots. Je vide mon sac, chaque radiologue du cabinet reçoit sa lettre, quatorze au total. Des lignes et des lignes qui me lavent de tous ces traumas. Heureusement du reste que je n’attendais rien en retour. Car, de fait, je n’ai eu aucune réponse. Non, pardon ! J’ai reçu un SMS. Je ne m’attarde pas sur le fait qu’il m’a fait plus de mal que de bien.

Hélène JACQUOT-PAGNON
Hélène JACQUOT-PAGNON dans sa boutique Morta Bijoux

Hélène Pagnon – Recherche de sens et don de soi

Nouvelle raison de vivre – Le Morta

Décembre 2015, je touche le fond. Et là, deux options s’offrent à moi. Je reste au plus bas et abandonne tous mes proches ou je me relève. Devinez quoi ? Je me suis bougée. Je me suis tournée vers le Morta et lorsque je lui ai demandé son aide, il a accepté. Il était là, il avait toujours été là, en fait. Je ne l’avais pas vu, c’est tout. Hélène Jacquot-Pagnon was back ! Le clin d’œil dans le titre n’est pas un hasard. Comme je le dis sur mon site Morta Bijoux, les bijoux sont mes Madeleines de Proust. Jusque-là, ils m’accompagnaient, désormais, ils vont me guider, me tirer vers le haut, chaque jour davantage.

Renaissance avec Morta Bijoux – Un métier qui a du sens

Ni une ni deux, je m’inscris à une formation pour apprendre à travailler l’argent. Aucune base, aucune notion, pas grave, je fonce. Je me rends à Paris pour acquérir les compétences nécessaires pour façonner l’argent 999/1000.

Le plus compliqué au final fut de m’en sortir avec l’administration française. Licenciement, rupture conventionnelle, mois de carence, ouf que de soucis ! Bref, je finis par me financer la formation. J’ai donc appris le métier d’artisan, créatrice de bijoux combinée à la gestion d’entreprise.

À l’époque, Morta Bijoux n’avait pas de local. Je travaillais le Morta à la maison. Je vous laisse imaginer les poussières de bois. Seule une vitrine dans l’atelier de coutellerie de mon mari présentait mes bijoux aux clients de passage. Deux années s’écoulent ainsi. J’attendrai que la coutellerie déménage pour récupérer son local. Morta Bijoux prend enfin racine. Le démarrage fut peut-être un peu chaotique, pourtant en 2022, tout va très bien. L’entreprise Morta Bijoux est florissante, je suis heureuse de me rendre à mon travail le matin. Je partage mes journées entre mes créations, mes petites pinces, le Morta, mes clients et clientes. Les projets s’accumulent, les idées fusent.

Un nouvel atelier de 100 m2 m’attend. Je veux développer la marque et mettre l’artisanat en valeur. Mon idéal étant de créer de l’emploi à moyen terme. Je pense déléguer la partie vente et me consacrer, avec mes petites pinces, à mes créations artistiques.

Marche et humanitaire – Une nouvelle énergie

Le sport m’a remise sur le chemin de l’énergie. Quand je marche, je suis dans ma bulle et vis le moment présent. Mais, je sais aussi m’ouvrir aux autres. Avec trois amies, nous avons formé une association, les porteplumes et sommes parties au Sénégal. Nous avons fait La Sénégazelle en avril 2016. L’idée était de courir et d’amener aux populations locales des fournitures scolaires. Je me souviens de ce jour où une maman nous a tendu sa fille de huit mois. Les conditions de vie sont tellement dures que les fillettes quittent l’école, dès la puberté, pour gagner de l’argent ou se marier. Eh oui, encore en 2016 ! La Sénégazelle soutient les familles pour que les jeunes filles aillent au collège, idéalement au lycée.

Finalement, travailler sur soi finit toujours par œuvrer pour l’autre.

Équipe Sénégazelle - Course solidaire
Équipe Sénégazelle 2016
Hélène Jacquot-Pagnon lors de la Sénégazelle
Hélène Jacquot-Pagnon lors de la Sénégazelle

Reconnexion à soi-même et à l’essentiel – Nouveau défi

J’ai trouvé ma place, un sens à mon engagement. Pour continuer à me réaliser, garder mon équilibre, j’entame encore un nouveau chemin de vie, celui de Saint-Jacques-de-Compostelle. Sac à dos et tentes nous accompagneront, mes amies et moi, pour une semaine de marche. Nous partons du Puy-en-Velay. Chaque année, nous ferons une étape jusqu’à la fin du pèlerinage. Rien de spirituel ni religieux, juste une recherche de reconnexion avec nous-mêmes, un recentrage sur l’essentiel : la nature, les échanges, la simplicité à l’état brut ! Ces semaines un peu hors du temps sont souvent créatives en belles idées et nouveaux projets.

Je sais désormais où je vais : droit devant !

Ce portrait vous donne envie de faire plus ample connaissance avec Hélène Jacquot-Pagnon ? Passez la voir à son atelier de Saint-André des Eaux. Avec ses petites pinces, elle vous accueille avec grand plaisir. Vous vivrez une belle rencontre avec l’artisanat, le savoir-faire local et une créatrice de bijoux heureuse de vivre sa passion.

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