Ça commence toujours par un pacte, un engagement mutuel. Temporaire ou éternel ? Ah voilà la grande question ! Le point crucial même peut-être ! Quoique… est-ce vraiment si important finalement ? L’amour éternel existe-t-il vraiment d’ailleurs ?
Au début, on est sûr de nous. C’est la bonne personne, je le sais, je le sens ! On matche à cent pour cent. On se découvre, on se dévoile l’un à l’autre, souvent par l’intermédiaire de personnes tierces d’ailleurs, par nos actions aussi. Regarde ce que je fais, tu sauras qui je suis…
Et puis la vie reprend ses droits, la routine s’installe, avec cette sensation étrange où l’on mêle la certitude de tout savoir de l’autre, et en même temps en découvrir un peu plus chaque jour. Chaque nouveau pas nous dévoile un peu plus, nous confortant dans nos certitudes ou nous surprenant au contraire. L’être humain est insaisissable, une boite de Pandore, alors on se laisse porter par cette découverte permanente. Un pas : une surprise ou une confirmation ? Va savoir… et a-t-on vraiment envie de savoir ? L’autre aussi a le droit aussi d’avoir ses secrets, sa face cachée.
Alors, je trace. Je trace ma route, je trace mon chemin, je fais avancer ma machine, mon histoire, c’est comme ça comme je vis, moi, en avançant, en évoluant. Et, c’est pour elle que je fais tout ça, pour elle, ma compagne, ma mignonne. Car oui, elle vit, elle doit se nourrir, grandir, évoluer, sinon elle meurt, c’est la loi de la nature. Tout être est fait pour évoluer. L’homme lui-même n’est-il pas la résultante d’un être unicellulaire qui s’est développé ??
Alors, je sors, je m’ouvre aux autres, je discute, je séduis, je fais le beau, parfois même je pipeaute, je rayonne, j’attire.
Et là, de fait, je fais de nouvelles rencontres, j’élargis mon centre de connaissances, mes centres d’intérêt.
Je comprends alors que ma relation à l’autre évolue mais qu’elle fait partie d’un ensemble composé de nombreux éléments, tous liés les uns aux autres exactement comme l’univers lie les planètes entre elles. Une espèce de système géant où tout le monde tient une place qui lui est propre.
Ces nouvelles rencontres ne remettent pas forcément en cause ma relation première, mon pacte initial, mais elles me laissent entrevoir de nouveaux horizons, de nouvelles manières d’aborder les choses, des portes s’ouvrent. Et puis, que ce soit bien clair, je fais tout cela pour elle, pour qu’elle s’épanouisse.
Et aller voir ailleurs, est-ce vraiment tromper ?
Si une autre personne vous apporte quelque chose de différent, d’unique ? Alors est-ce vraiment déloyal d’entamer une nouvelle relation ? Elle non plus, d’ailleurs, ne sera pas forcément éternelle. On peut juste faire un bout de chemin ensemble, tracer un petit segment parallèle, avec un début et une fin. Parfois même, on sait dès le début que cette fin va arriver, car le chemin est déjà balisé. Et pourquoi pas ?
Alors, j’y vais quand même, je découche, je vais voir ailleurs justement. Je teste, je juge, je prends ce qui m’intéresse, mais je ne suis pas égoïste, non, car l’autre aussi va tirer le meilleur parti de cette entente. L’autre non plus, n’a pas prévu de me consacrer sa vie. C’est juste un échange de bon procédé. Un besoin réciproque, à un moment donné, une croisée des chemins. Rien qui ne contredise la morale collective. Et la vie passe, on multiplie les expériences. L’une passe, et l’autre suit…
Mais, je parle, je parle, et voilà que je me fais vieux. Je fatigue, je tourne en rond, je me lasse de toujours chercher mieux ailleurs. Alors, finalement, Candide, je reviens à mes premières amours. Je réintègre la blanche bergerie. On a beau dire, on a beau faire, le pacte initial, on y revient toujours.
Ça commence toujours par un pacte, un engagement mutuel.
Au fil du temps, les termes changent, bien sûr, hier on parlait de démission, de licenciement, aujourd’hui on parle de rupture conventionnelle, d’incompatibilité d’humeurs. Tout n’est question que d’évolution sociale et d’intérêt. Mais l’idée reste la même. Un pacte !
Je suis chef d’entreprise, vous l’aurez compris. Et comme je vous l’ai dit, j’ai connu de nombreux collaborateurs, partenaires, sous-traitants, mais je reviens, fidèle, à mon équipe de la première heure, mon noyau dur, ma compagne, ma mignonne. Je ne suis qu’un vieil amant qui retourne vers sa première maîtresse, la seule, la vraie, celle qui m’aura soutenu dans mes moments de doute, de faiblesse, de pauvreté. J’ai, avec mon entreprise, une relation hors normes, c’est ma bulle, mon mode parallèle, ma seconde vie, mon point d’ancrage à la réalité.
Mes plus proches collaborateurs sont pour la plupart devenus mes amis, mais ils tournent comme on changerait de partenaires lors d’une valse, une valse à mille temps mais qui n’en finirait jamais. Et chaque collaboration durera tant que durera le pacte.
Un jour, ce pacte prendra fin et un autre prendra sa place. Et ce sera la bonne personne, je le saurai, je le sentirai…
Mais là, n’est plus la question. Celle qui me taraude aujourd’hui va plus loin. Je m’inquiète pour elle, ma compagne, ma mignonne : que deviendra-t-elle après moi ? A qui vais-je la confier ? En quelles mains puis-je la remettre ?
Je ne suis plus qu’un vieil amant qui doit choisir son successeur… Et là, va naître un nouveau pacte, je le sais, je le sens…