Seul

Prosopopée

Je me réveille

Il fait noir, je vis dans le noir. Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’évolue dans l’obscurité. Où étais-je avant ? Ai-je même vécu avant ? Autant de questions, dont il me semble que je n’aurai jamais les réponses. Je n’ai pas demandé à être là. Comment y suis-je parvenu ?

Alors, j’évolue, j’attends, oui c’est ça, je suis attentiste. Le monde avance, enfin j’imagine, et moi, je suis, je me laisse faire. Je suis seul, seul dans mon petit univers, fait de nuit et de silence. Pourquoi suis-je là ? Qui m’a amené ici ?

Je me rendors

Je me réveille, toujours à la même place, rien n’a changé pendant mon sommeil. Ma petite caverne semble même rétrécir. Les murs se rapprochent.

Il me semble que je perçois un bruit, récurrent, pas un bruit, plutôt un son, sourd, régulier. Un son qui semble appartenir au monde qui m’entoure. Tout a l’air si naturel, les bruits, les vibrations semblent parfaitement s’imbriquer les uns dans les autres. Seule ma présence me surprend, que fais-je ici ? Pourquoi suis-je là ? Qu’est-ce que j’attends ? Combien de temps vais-je rester ici ? Jamais personne pour répondre à mes questions.

Je me rendors

Je me réveille. Toujours cette sensation perpétuelle que les murs se rapprochent inlassablement.

Parfois, j’entends du bruit qui vient de l’extérieur. Il me semble entendre des voix, certaines finissent même par devenir familières. Une voix de femme tout particulièrement, mais elle ne s’adresse pas à moi, du moins, je ne pense pas, car je ne comprends pas vraiment tout ce qu’elle dit. Sa voix est feutrée, filtrée par la paroi qui nous sépare. Je ne sais pas si elle est loin, ou toute proche, je n’ai pas les notions de distance, de temps. Et, je ne la vois jamais, je ne vois jamais personne, personne ne rentre jamais dans ma cellule, personne ne vient me voir. Je suis seul, définitivement seul.

D’ailleurs, comment est-ce que je me nourris ? Je n’ai jamais faim ni soif, comment est-ce possible ? Je ne semble manquer de rien malgré ma solitude. Qui subvient à mes besoins sans même que je m’en rende compte ? Viennent-ils pendant mon sommeil ?

Je me rendors

Je me réveille. Cette fois, c’est une voix d’homme que j’entends, c’est cette voix qui m’a réveillé. Oui c’est sûr, c’est un homme, sa voix est beaucoup plus grave que celle de la femme, que je connais bien désormais. C’est une voix grave mais pas inquiétante, je dirais même qu’elle est rassurante, et je crois bien qu’il s’adresse à moi, qu’il me parle, on dirait qu’il essaie de me rassurer. Mais je n’ai pas peur, je sens bien que je ne suis pas en danger, je me demande simplement ce que je fais ici, et pour combien de temps ? Mais, il n’entend pas mes questions. Je le sais car il continue de parler comme si de rien n’était, il n’entend pas mes appels. Il parle, j’ai l’impression qu’il me parle et pourtant, il ne me répond pas, je crois vraiment qu’il ne m’entend pas.

Alors, j’essaie de me mouvoir, ça aussi, c’est de plus en plus difficile, je manque d’espace. Plus le temps passe, et plus je suis confiné, je me demande si je ne vais pas mourir étouffé.

Le temps passe, saccadé, rythmé par des réveils et des sommeils. Chaque moment est identique au précédent à la différence près que l’espace se réduit autour de moi. Les voix se font de plus en plus claires, nettes, et même si je ne comprends pas les paroles, je suis certain désormais qu’elles s’adressent à moi. Je ne comprends pas : pourquoi essaient-ils de créer un contact alors qu’en même temps, ils me laissent seul ?

Je me rendors

Je me réveille, je ne me sens pas bien. Je ne peux plus bouger, ils ont encore rapproché les cloisons pendant mon sommeil, tout s’affole autour de moi. Il me semble que même les murs bougent, je me sens entraîné malgré moi dans un tourbillon de spasmes. Parfois, de petits moments de calme m’apportent un peu de réconfort mais ces moments se font de plus en rares. Les voix aussi s’affolent, je les entends. Tout bouge, tout bouge et je ne peux rien faire, je ne peux plus bouger, bientôt je ne pourrai même plus respirer. C’est la fin, je le sais, je le sens. Tout va s’arrêter… je le savais, je savais que je ne pourrai pas rester là éternellement, si seulement j’avais su quoi faire avant d’en arriver là… Pourquoi personne ne me répondait quand j’appelais à l’aide, peut-être était-il encore temps à ce moment-là ?

Cette fois, je perds le contrôle, je tombe…je me laisse aller, je ne peux rien faire d’autre. C’est plus fort que moi, je suffoque, je lâche pied, je capitule.

Une nouvelle sensation, un contact, un contact que je ne connais pas. Les bruits changent, se font de plus en plus clairs, de plus en plus nets, plus forts aussi. Une douleur effroyable me presse la poitrine et je pousse un cri …

Mon premier cri